Design local et fabrication additive : renouer avec la tradition en innovant grâce à l’impression 3D
Qu’est ce que le design local ?
Le design local constitue une démarche qui remet l’humain et son environnement au centre de la création d’objets en favorisant la production à l’échelle territoriale, la valorisation des savoir-faire locaux et la réduction des impacts environnementaux. Fort d’un ancrage historique dans les ateliers artisanaux et d’une redécouverte récente portée par les enjeux de durabilité, il s’appuie aujourd’hui sur des approches scientifiques (design for social sustainability, urban manufacturing) et des mouvements intellectuels (école territorialiste, critical regionalism) pour proposer un modèle alternatif aux chaînes de production globalisées. L’émergence de l’impression 3D locale, accessible et modulable, renforce cette dynamique en offrant flexibilité, personnalisation, rapidité de prototypage et réduction des déchets, tout en encourageant l’économie circulaire et la souveraineté matérielle des communautés. Cet article « pillar » explore en profondeur l’évolution historique et conceptuelle du design local, ses principes fondamentaux, ses bénéfices économiques, sociaux et environnementaux, ainsi que le rôle catalyseur de l’impression 3D dans ce contexte, en s’appuyant sur des articles scientifiques et historiques pour offrir un panorama argumenté et sourcé.
Introduction au design local
Le design local se définit comme l’ensemble des pratiques de création, de fabrication et de distribution d’objets réalisées au sein d’une zone géographique restreinte, en s’appuyant sur les ressources, les compétences et l’identité culturelles du territoire concerné ([ResearchGate][1], [ResearchGate][2]). Contrairement aux chaînes de production globales qui relient de multiples sites (fabrication, assemblage, transport), ce modèle privilégie la proximité entre concepteurs, producteurs et consommateurs afin de garantir transparence, traçabilité et réactivité face aux besoins locaux ([Wikipédia][3], [Wikipédia][4]). Cette approche s’inscrit au carrefour de plusieurs courants intellectuels :
- Design for Social Sustainability (D4SS) : champ de recherche qui met l’accent sur la dimension sociale du développement durable, où le « local » est l’une des composantes clés pour renforcer l’autonomie des communautés et la justice sociale ([ResearchGate][1], [MDPI][5]).
- École territorialiste : mouvement italien de planification et de design qui plaide pour le « développement local auto-suffisant », liant identité culturelle, patrimoine matériel et immatériel et qualité de vie ([Wikipédia][4]).
- Critical Regionalism : courant architectural et urbanistique qui revendique un ancrage dans la spécificité locale, tout en tirant parti des technologies modernes, pour éviter l’uniformisation générée par la mondialisation ([Wikipédia][6]).
Historiquement, la production locale existait naturellement dans les communautés préindustrielles (ateliers d’artisans, filatures, ferronneries familiales), mais a été marginalisée par la révolution industrielle et l’essor des transports de masse au XIXᵉ siècle ([Frontiers][7]). Aujourd’hui, face aux crises environnementales et sociales, le design local renoue avec cette tradition en s’appuyant sur des cadres conceptuels scientifiques et historiques pour construire une filière résiliente et équitable ([ResearchGate][2], [Wikipédia][3]).
Contexte historique et intellectuel
Les origines artisanales et la révolution industrielle
Avant l’industrialisation, la quasi-totalité des objets était conçue et fabriquée localement, dans des ateliers ou à domicile, par des artisans qui maîtrisaient toutes les étapes de la production, du dessin à la finition ([Frontiers][7]). Cette économie de proximité garantissait une circulation circulaire des matériaux : les chutes de cuir, les chutes de métal ou de bois étaient récupérées pour fabriquer d’autres biens, illustrant déjà les principes d’économie circulaire ([Frontiers][7], [digitalcommons.mtu.edu][8]).
Avec l’avènement de la révolution industrielle (fin XVIIIᵉ – XIXᵉ siècle), la production de masse s’est imposée, concentrant les moyens de fabrication dans de grandes usines et déplaçant la main-d’œuvre rurale vers les villes ([Frontiers][7]). Les chaînes logistiques se sont progressivement internationalisées, favorisant des économies d’échelle, mais au prix d’une rupture avec les savoir-faire locaux et d’une déconnexion entre producteurs et consommateurs. Ce modèle a accentué la standardisation des produits et la spécialisation géographique des territoires (régions agroalimentaires, zones industrielles), tout en générant des coûts environnementaux élevés (transport, externalités sociales) ([Frontiers][7], [ResearchGate][9]).
Émergence des courants intellectuels récents
Design for Social Sustainability (D4SS)
Le concept de « Design for Social Sustainability » a émergé au début des années 2010 via des revues académiques consacrées au design et à la durabilité (p. ex. Sustainability, Elsevier) : il s’agit d’intégrer les enjeux sociaux (équité, justice, inclusion) dans le processus de création de produits et de services, en favorisant l’empowerment des communautés et la redistribution de la valeur au niveau local ([ResearchGate][1], [MDPI][5]). Des études systématiques montrent que le D4SS met en avant la « conception distribuée », la « conception participative » et le « design local » comme leviers pour renforcer la cohésion sociale, créer des emplois et préserver les identités culturelles ([ResearchGate][1], [MDPI][5]).
École territorialiste
L’école territorialiste (ou « Territorialist School »), cofondée entre autres par Alberto Magnaghi en Italie, a théorisé dès les années 1990 une vision du développement durable centrée sur le territoire comme entité vivante, associant paysage, culture, savoir-faire artisanal et économie locale ([Wikipédia][4]). Elle propose le concept de « développement local auto-suffisant », reposant sur trois piliers :
1. La conscience du lieu (« place-consciousness ») : connaissance réflexive de l’identité territoriale (environnement, patrimoine, communauté) pour en extraire les richesses locales ;
2. L’autonomie locale : capacité de la collectivité à générer et redistribuer la valeur ajoutée sur son territoire, sans dépendre prioritairement des marchés globaux ;
3. La qualité environnementale : préservation et amélioration continue des ressources naturelles et des écosystèmes locaux.
Cette approche remet la création d’objets au service d’une vision qualitative de la prospérité, où chaque produit devient l’expression d’une culture et d’un savoir local, favorisant l’emploi, l’éducation et le bien-être ([Wikipédia][4], [ResearchGate][2]).
Critical Regionalism et Complementary Architecture
Dans le domaine de l’architecture, le « Critical Regionalism » (Alexander Tzonis, Liane Lefaivre, Kenneth Frampton) a dénoncé l’homogénéisation due à la mondialisation et prôné la nécessité de puiser dans les traditions constructives locales (matériaux, techniques, typologies) pour créer des bâtiments ancrés dans leur contexte géographique et culturel ([Wikipédia][6]). De son côté, « Complementary Architecture » (Jiri Lev, Leon Krier) propose d’allier durabilité, utilité et esthétique locale, insérant la conception dans une « langue de design » née des ressources et des contraintes régionales ([Wikipédia][10]). Ces courants ont permis d’étendre la notion de « design local » au-delà de l’artisanat, en intégrant la planification urbaine, le paysage et l’architecture, confirmant que l’ancrage territorial peut être un moteur d’innovation.
Principes fondamentaux du design local
Durabilité et économie circulaire
Le design local s’articule autour du principe de durabilité, qui se décline en trois volets : économique, social et environnemental. Sur le plan environnemental, la production locale réduit drastiquement le transport de marchandises sur de longues distances, et par conséquent les émissions de gaz à effet de serre ; les matériaux sont souvent issus de filières courtes ou recyclés pour limiter les déchets, conformément aux recommandations du mouvement D4SS et aux bonnes pratiques de l’économie circulaire ([ScienceDirect][11], [MDPI][5]). Par exemple, des études montrent qu’en comparant la fabrication d’un objet en circuit court versus un circuit global, on obtient une réduction moyenne de plus de 30 % des émissions logistiques ([Core][12], [PMC][13]).
Éthique et justice sociale
L’équité des conditions de travail et la rémunération des artisans sont au cœur de la démarche : l’objectif est de garantir une juste répartition de la valeur créée, loin des marges réduites qui caractérisent la chaîne de production mondialisée (souvent < 5 % aux créateurs) ([ResearchGate][1], [ResearchGate][2]). Dans le cadre du D4SS, le design local est perçu comme un levier pour renforcer l’employabilité, la transmission des savoir-faire et la formation continue, via des collaborations entre universités locales, centres de recherche et FabLabs ([ResearchGate][1], [comdesignlab.com][14]). Par ailleurs, la participation communautaire (co-design) engage les consommateurs dans le processus de création, renforçant ainsi le sentiment d’appartenance et justifiant souvent un prix plus élevé, accepté au nom de la solidarité territoriale ([ResearchGate][1], [ResearchGate][2]).
Contextualisme et identité culturelle
Le design local se fonde sur la reconnaissance du « patrimoine matériel et immatériel » d’un territoire : motifs, symboles, matériaux traditionnels, procédés artisanaux, traditions esthétiques. Ces éléments sont valorisés pour créer des objets empreints de sens et de signification, porteurs d’histoire et d’identité ([Wikipédia][4], [Wikipédia][6]). Par exemple, la réinterprétation contemporaine d’un motif textile autochtone ou l’utilisation d’une essence de bois locale pour un mobilier participent à la résistance contre l’uniformisation mondiale et la préservation du patrimoine. Cela confère également une valeur culturelle ajoutée, perçue comme unique par le consommateur ([Michelangelo Scholar][15], [Wikipédia][6]).
Bénéfices du design local
Impact économique
Le design local dynamise l’économie territoriale en créant ou en pérennisant des emplois locaux (artisans, techniciens, formateurs) et en renforçant les circuits courts de distribution pour garder la plus grande partie de la valeur aux acteurs du territoire ([ResearchGate][1], [ResearchGate][2]). Des études ont montré que chaque euro investi dans l’économie locale génère en moyenne 1,5 € de retombées économiques dans la même région, contre 0,7 € pour un euro investi dans un circuit global ([ResearchGate][1], [digitalcommons.mtu.edu][8]). Le recours à des plateformes locales (marketplaces territoriales) et à des imprimantes 3D partagées (FabLabs, makerspaces) réduit le coût d’accès aux technologies, facilitant la création d’entreprises artisanales même pour des débutants, ce qui accroît le taux d’innovation locale et la résilience face aux crises économiques ([comdesignlab.com][14], [digitalcommons.mtu.edu][8]).
Impact social
Sur le plan social, le design local favorise la cohésion communautaire en impliquant les habitants dans la conception (co-design, ateliers participatifs) et en permettant la transmission de savoir-faire aux nouvelles générations ([ResearchGate][1], [comdesignlab.com][14]). Cette implication renforce le sentiment d’appartenance et de fierté territoriale, tout en soutenant la formation continue (ateliers d’initiation à la modélisation 3D, à l’impression 3D, aux techniques artisanales traditionnelles) ([comdesignlab.com][14], [ScienceDirect][16]). Dans certains contextes ruraux ou en développement, l’accès à des technologies comme l’impression 3D permet de développer des solutions pour résoudre des besoins locaux (pièces de rechange, outils éducatifs, équipements médicaux) sans passer par des importations coûteuses ([arXiv][17]).
Impact environnemental
Le design local réduit l’empreinte carbone principalement via la réduction des transports (moins de kilomètres parcourus), la diminution des déchets grâce à l’économie circulaire et l’optimisation de la consommation d’énergies durant la production ([ResearchGate][9], [PMC][13]). Par ailleurs, lorsqu’il s’appuie sur des matériaux locaux (bois, argile, fibres végétales), il encourage la valorisation de ressources renouvelables régionales et limite l'extraction de matières premières exogènes ([ScienceDirect][11], [Wikipédia][18]). Des études spécifiques sur l’impression 3D indiquent qu’elle peut réduire le gaspillage de matière de 30 à 50 % par rapport aux procédés soustractifs, notamment pour des pièces complexes ou des prototypes ; cela renforce la dimension durable du design local connecté à la fabrication additive ([PMC][13], [ResearchGate][19]).
Le rôle de l’impression 3D dans le design local
Accessibilité et modularité technique
Depuis l’avènement du projet RepRap en 2005 (Université de Bath), les imprimantes 3D open source ont baissé drastiquement en coût (quelques centaines d'euros pour un modèle basique) et se sont démocratisées via les communautés de FabLabs et de makerspaces ([Wikipédia][20]). Cette accessibilité permet aux créateurs locaux, même sans moyens financiers importants, d’acquérir ou de s’auto-fabriquer une imprimante pour prototyper rapidement leurs conceptions, tester des itérations et réduire le risque économique lié aux moules traditionnels ([ResearchGate][9], [digitalcommons.mtu.edu][8]). De plus, la modularité des imprimantes 3D (capacité à imprimer des pièces de rechange pour régler soi-même sa machine) renforce l’autonomie des ateliers locaux, évitant la dépendance à des fournisseurs externes pour l’entretien ([Wikipédia][20]).
Flexibilité et personnalisation
L’impression 3D autorise la fabrication de pièces « one-off » sans surcoût significatif, contrairement aux procédés industriels qui nécessitent des tirages en grande série pour amortir l’outillage (moules, matrices) ([ScienceDirect][21], [ResearchGate][9]). Cette flexibilité est cruciale pour le design local : un designer peut proposer des objets personnalisés (taille, forme, motif, texture) répondant aux besoins spécifiques d’un client ou d’une collectivité, créant ainsi de la valeur ajoutée perçue (exclusivité, lien à la culture locale) ([ACM Digital Library][22], [ScienceDirect][21]). Par exemple, la fabrication de prototypes de lampes modulaires pour une exposition locale peut être réalisée en quelques heures, puis ajustée en temps réel selon les retours d’usage, sans devoir retourner à l’étape du moulage ([MDPI][23], [ResearchGate][19]).
Réduction des déchets et économie circulaire
L’un des atouts majeurs de l’impression 3D est son procédé additif, qui ajoute uniquement la matière nécessaire pour réaliser l’objet, limitant massivement les chutes comparé aux techniques soustractives (usinage, découpe) ([PMC][13], [ResearchGate][19]). Certaines initiatives, comme le Gigalab, vont plus loin en transformant des déchets plastiques (PET, PP) collectés localement en filaments pour imprimantes 3D, bouclant ainsi un cycle d’économie circulaire ([Frontiers][24]). Cette configuration permet de produire des objets utiles (outils d’agriculture, mobilier urbain, équipements scolaires) à partir de déchets plastiques, ce qui valorise la collecte locale, réduit le coût des matériaux et limite l’empreinte carbone globale ([ScienceDirect][11]).
Démocratisation de la formation et de l’innovation
Les FabLabs, makerspaces et ateliers partagés, souvent financés par des collectivités ou des associations locales, offrent un accès à l’impression 3D et à des formations en modélisation 3D, en réglage des machines et en post-traitement des pièces ([comdesignlab.com][14], [ScienceDirect][16]). Cette diffusion des compétences techniques est un facteur majeur de dynamisation de l’écosystème local : de nombreux designers émergents y trouvent un environnement propice pour expérimenter, collaborer et innover, sans frein économique majeur ([comdesignlab.com][14], [ScienceDirect][16]). À terme, ces structures favorisent la création de réseaux locaux d’innovateurs, où la co-conception (co-design) associe artisans et utilisateurs finaux pour co-créer des solutions adaptées aux besoins du territoire ([arXiv][17]).
Processus d’impression 3D au service du design local
Les étapes clés
1. Conception numérique (CAO/DAO) : le designer local utilise un logiciel de conception assistée par ordinateur (AutoCAD, FreeCAD, Blender) ou un scanner 3D pour créer le fichier numérique (formats STL, OBJ, STEP) ([MDPI][23], [ResearchGate][19]).
2. Préparation du fichier (slicing) : avec un logiciel de découpe (« slicer » comme Cura, PrusaSlicer), le fichier est découpé en fines couches et paramétré (épaisseur des couches, densité de remplissage, supports éventuels) pour l’imprimante 3D ([ScienceDirect][16], [ResearchGate][19]).
3. Choix des matériaux : selon l’usage (esthétique, résistance, flexibilité), le designer sélectionne le matériau adapté : PLA (biodégradable, facile à imprimer), ABS (plus résistant, nécessite un plateau chauffant), PETG (bon compromis), résine (pour SLA) ou matériaux composites (fibre de carbone, bois, céramique) ([PMC][13], [ResearchGate][19]). Certains projets locaux utilisent des filaments recyclés ou biosourcés, comme le compostable PLA à base de résidus agricoles ([ACM Digital Library][22], [Frontiers][24]).
4. Impression additive : l’imprimante 3D dépose ou solidifie la matière couche par couche, selon la technologie retenue (FDM pour filaments thermoplastiques, SLA pour résines liquides, SLS pour poudres) ([MDPI][23], [ResearchGate][19]).
5. Post-traitement : découpe des supports, ponçage, polissage, traitement thermique ou UV (pour SLA), voire peinture; ces étapes peuvent être réalisées localement à l’atelier ou en collaboration avec des artisans spécialisés (ébénistes, céramistes) ([ResearchGate][19], [Frontiers][24]).
6. Assemblage et intégration : pour des produits plus complexes (meubles modulaires, luminaires), plusieurs pièces imprimées sont assemblées avec des fixations traditionnelles (vis, boulons, charnières), puis complétées par des éléments locaux (bois massif, textile artisanal) pour créer un objet final hybride, alliant innovation et tradition ([ResearchGate][19], [Frontiers][24]).
Chaque étape peut impliquer des acteurs différents (designer, technicien FabLab, artisan local), renforçant l’écosystème collaboratif et la traçabilité du produit depuis sa naissance numérique jusqu’à sa livraison ([ResearchGate][2], [ScienceDirect][16]).
Points de vigilance
- Qualité et fiabilité des matériaux recyclés : l’utilisation de filaments à base de déchets plastiques exige un contrôle rigoureux des propriétés mécaniques (isotropie, résistance à la traction) et dimensionnelles (épaisseur de fil) ; faute de quoi, les pièces risquent de se délaminer ou de présenter des défauts ([PMC][13]).
- Consommation énergétique : selon la taille et la technologie, une impression 3D peut consommer entre 5 kWh (petite pièce FDM) et 30 kWh (gros volume SLA ou SLS), ce qui doit être questionné au regard du bilan carbone global, surtout si l’électricité n’est pas issue de sources renouvelables ([ResearchGate][19], [PMC][13]).
- Compétences techniques : la maîtrise des logiciels de modélisation 3D et des paramétrages précis (vitesse, température, remplissage) nécessite une formation poussée ; les initiatives de formation collective (ateliers, MOOC, tutoriels en ligne) sont essentielles pour lever cette barrière et éviter que l’impression 3D ne reste l’apanage d’une minorité ([comdesignlab.com][14], [ScienceDirect][16]).
- Réglementation et certification : pour des objets destinés à des usages critiques (alimentaire, médical, porteur de charge), des normes spécifiques (FDA, CE, ISO) doivent être respectées ; l’absence de cadre clair pour l’impression 3D locale peut freiner certains projets, d’où la nécessité de collaborations avec des laboratoires d’essai régionaux ([ResearchGate][19], [Taylor & Francis Online][25]).
Exemples et études de cas
Projets de construction 3D « béton local »
Le projet Tecla House en Italie illustre la convergence du design local et de l’impression 3D : réalisé par Mario Cucinella Architects et la société WASP, il s’agit de la première maison imprimée en 3D entièrement à base d’un mélange d’argile locale et d’eau, construite en avril 2021 ([Wikipédia][18]). En utilisant un matériau issu du sous-sol d’Emilie-Romagne, le projet réussit à combiner savoir-faire architectural, technique d’impression additive (Crane WASP) et dimension culturelle (terre crue, héritage rural) pour produire un habitat à zéro déchet et à faible empreinte carbone ([Wikipédia][18], [Taylor & Francis Online][25]). Ce cas de figure montre comment le design local peut s’appuyer sur des technologies modernes tout en respectant l’identité du territoire et en générant des retombées économiques locales (emplois, formation) ([Wikipédia][18], [ResearchGate][19]).
Initiatives de recyclage communautaire
Plusieurs territoires en Afrique, en Amérique latine ou en Asie ont mis en place des Gigalabs (centres de recyclage collectif de plastiques) pour transformer des déchets municipaux en filaments d’impression 3D, destinés à produire des outils agricoles, des jouets éducatifs ou des équipements sanitaires ([Frontiers][24]). Ces projets démontrent l’efficacité d’une chaîne locale allant de la collecte des déchets à la fabrication des objets, en passant par la formation technique des jeunes générations : ils créent une économie circulaire où la matière première est valorisée sur place, réduisant la dépendance à l’importation de matériaux et limitant les encombrants plastiques dans l’environnement ([PMC][13]).
FabLabs et incubateurs territoriaux
En France, des FabLabs accompagnés par des universités (ENSAM, Université de Grenoble, etc.) proposent des formations au prototypage rapide et à l’impression 3D pour des étudiants en design, en génie industriel et en artisanat d’art ([comdesignlab.com][14], [Wikipédia][26]). Des incubateurs locaux encouragent la création d’entreprises de design qui intègrent la fabrication additive, permettant la création de startups spécialisées dans des niches (accessoires de sport écoresponsables, mobilier urbain customisé, jouets en bois combiné à l’impression 3D) ([comdesignlab.com][14], [ScienceDirect][16]). Ces structures favorisent la mise en réseau des acteurs (designers, formateurs, entrepreneurs, collectivités) et la mutualisation des ressources (machines, espace, expertise) pour renforcer l’écosystème d’innovation locale, conformément aux préceptes du D4SS et de l’économie circulaire ([ResearchGate][1], [Wikipédia][3]).
Enjeux actuels et perspectives d’avenir
Défis à relever
1. Accès aux matières premières durables : bien que l’impression 3D comporte un potentiel écologique, le recours massif à des plastiques pétrosourcés (PLA, ABS) peut contrecarrer cet avantage si ces matériaux ne sont pas recyclés ou biosourcés ([PMC][13], [ResearchGate][19]). Il est donc essentiel de développer des filaments à base de coproduits agricoles, résidus industriels ou biomatériaux locaux pour réduire encore davantage l’empreinte environnementale.
2. Formation et diffusion des compétences : la maîtrise des flux numériques (CAO, slicing) et des protocoles de post-traitement demande un effort de formation continue, notamment dans les territoires ruraux ou en développement où l’accès à la connectivité et aux ressources pédagogiques est limité ([comdesignlab.com][14], [ScienceDirect][16]). La création de modules de formation hybrides (en ligne et en présentiel) et le renforcement des réseaux de FabLabs restent indispensables.
3. Standardisation et certification : l’absence de normes spécifiques pour les objets imprimés localement (notamment dans l’alimentaire, le médical, la construction) crée une incertitude juridique qui freine l’adoption à grande échelle ([ResearchGate][19], [Taylor & Francis Online][25]). Les gouvernements et les institutions de normalisation doivent développer des référentiels adaptés à la fabrication additive, en collaboration avec les acteurs locaux, pour garantir la qualité, la sécurité et la conformité des produits.
4. Viabilité économique à long terme : si le design local permet de redistribuer de la valeur au niveau local, il doit néanmoins trouver un équilibre entre qualité, coût et accessibilité financière pour ne pas se limiter à une clientèle de niche ([ResearchGate][1], [ResearchGate][2]). Les plateformes territoriales (e-marketplaces locales) peuvent jouer un rôle clé pour élargir la visibilité des créateurs, mais nécessitent un accompagnement en marketing digital et logistique pour atteindre un public plus vaste.
Opportunités et trajectoires futures
1. Économie circulaire territoriale : la généralisation des écosystèmes de recyclage-fabrication additive (Gigalabs, FabLabs) pourrait conduire à des « micro-boucles » où la quasi-totalité des déchets plastiques d’un territoire sert à produire de nouveaux objets, limitant ainsi la pression sur les décharges et la pollution plastique ([Frontiers][24]).
2. Personnalisation de masse locale : à l’avenir, grâce à l’intégration de l’IA dans les plateformes de design (recherche sémantique, recommandations de modèles), les consommateurs pourront co-créer des objets via des interfaces en ligne, puis les voir imprimés dans un FabLab ou un atelier local proche de chez eux ([MDPI][23], [Wikipédia][4]). Cette « mass customization » locale allie les bénéfices de la fabrication additive (flexibilité, rapidité) à la réduction des délais et des coûts logistiques.
3. Intégration dans les politiques publiques : les collectivités territoriales peuvent encourager l’essor du design local en finançant des FabLabs, en subventionnant l’achat d’imprimantes 3D pour les ateliers d’artisanat, ou en lançant des appels à projets pour des solutions innovantes répondant aux enjeux locaux (mobilité douce, équipements scolaires, mobilier urbain). Ces actions s’inscrivent dans la logique de développement local auto-suffisant théorisée par l’école territorialiste ([Wikipédia][4], [Wikipédia][6]).
4. Recherche interdisciplinaire et transversale : le design local et l’impression 3D sont désormais des champs de recherche à la croisée de l’ingénierie, de l’architecture, des sciences sociales et de l’économie. Les collaborations entre universités (laboratoires de génie civil, départements de design industriel, écoles d’ingénieurs) et les projets de recherche financés par les programmes Horizon Europe, Interreg ou ADEME favorisent l’émergence de nouvelles méthodes et outils pour mesurer l’impact social et environnemental des initiatives de design local ([MDPI][5], [Taylor & Francis Online][25]).
Conclusion
Le design local, réinscrit dans une dynamique historique d’artisanat de proximité, se renouvelle aujourd’hui grâce aux cadres conceptuels du design for social sustainability, de l’école territorialiste et du critical regionalism, ainsi qu’aux technologies de fabrication additive comme l’impression 3D. Il offre une alternative robuste aux modèles globalisés, en alignant création artistique, innovation technique et impératifs de durabilité. Les bénéfices économiques (emplois locaux, répartition équitable de la valeur), sociaux (cohésion communautaire, transmission des savoir-faire) et environnementaux (réduction des émissions, économie circulaire) démontrent la pertinence d’un tel modèle au cœur des enjeux contemporains. Pour que cette vision s’épanouisse, il est cependant nécessaire :
1. de développer des filaments et des matériaux locaux durables,
2. d’accélérer la formation technique et la diffusion des compétences numériques,
3. d’instaurer des normes et des certifications adaptées à l’impression additive,
4. d’intégrer pleinement le design local dans les politiques publiques territoriales.
Ainsi, à travers la synergie entre savoirs traditionnels et innovations technologiques, le design local peut devenir le vecteur d’une économie plus résiliente, plus équitable et davantage respectueuse de l’environnement, forgeant des objets porteurs de sens, d’histoire et de responsabilité collective ([ResearchGate][1], [Wikipédia][18], [Wikipédia][20], [PMC][13], [Frontiers][24], [ResearchGate][2], [comdesignlab.com][14], [ScienceDirect][16], [ResearchGate][19], [ScienceDirect][11], [MDPI][23], [ScienceDirect][21]).
[1]: https://www.researchgate.net/publication/351873693_What_Is_Design_for_Social_Sustainability_A_Systematic_Literature_Review_for_Designers_of_Product-Service_Systems "(PDF) What Is Design for Social Sustainability? A Systematic ..."
[2]: https://www.researchgate.net/publication/358971075_Re-Look_at_Local_Design_Discussion_on_Sustainable_Innovation_of_Oriental_Design "(PDF) Re-Look at Local Design: Discussion on Sustainable ..."
[3]: https://en.wikipedia.org/wiki/Urban_manufacturing "Urban manufacturing"
[4]: https://en.wikipedia.org/wiki/Territorialist_School "Territorialist School"
[5]: https://www.mdpi.com/2071-1050/13/11/5963 "What Is Design for Social Sustainability? A Systematic Literature ..."
[6]: https://en.wikipedia.org/wiki/Alexander_Tzonis "Alexander Tzonis"
[7]: https://www.frontiersin.org/journals/sustainable-cities/articles/10.3389/frsc.2021.638966/full "Local Culture and Urban Retrofit: Reflections on Policy ... - Frontiers"
[8]: https://digitalcommons.mtu.edu/cgi/viewcontent.cgi?article=1927&context=etds&utm_source=chatgpt.com "[PDF] CRITERIA FOR SUSTAINABLE PRODUCT DESIGN WITH 3D ..."
[9]: https://www.researchgate.net/publication/308970924_Sustainability_of_3D_Printing_A_Critical_Review_and_Recommendations "Sustainability of 3D Printing: A Critical Review and Recommendations"
[10]: https://en.wikipedia.org/wiki/Complementary_architecture "Complementary architecture"
[11]: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S1876610218311652/pdf?md5=088736be76436e229e1c5003b085ef0c&pid=1-s2.0-S1876610218311652-main.pdf&utm_source=chatgpt.com "Research on Countermeasures of Local Culture-based ..."
[12]: https://core.ac.uk/download/9633151.pdf "[PDF] Sustainability in Design: Now! - CORE"
[13]: https://pmc.ncbi.nlm.nih.gov/articles/PMC8318092/ "A review of 3D printing techniques for environmental applications"
[14]: https://www.comdesignlab.com/wp-content/uploads/2014/03/Design-and-social-innovation-Design-practice-and-methods-based-on-networks-and-communities.pdf "[PDF] Design practice and methods based on networks and communities"
[15]: https://michelangelo-scholar.com/JAUD_2025-2-a00004 "Research on the Revitalization Design of Traditional Village ... - MSPL"
[16]: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2352710225002049 "Assessing the environmental impact of building houses in remote ..."
[17]: https://arxiv.org/abs/2305.09394 "3D Printing and Design in Isolation: A Case from a Simulated Lunar Mission"
[18]: https://en.wikipedia.org/wiki/Tecla_house "Tecla house"
[19]: https://www.researchgate.net/publication/384668302_Sustainability_of_3D_construction_printing_technology_A_review_on_research_trends_and_developments "(PDF) Sustainability of 3D construction printing technology: A review ..."
[20]: https://en.wikipedia.org/wiki/RepRap "RepRap"
[21]: https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S2212827123007060 "Sustainability of 3D Printing in Infrastructure Development"
[22]: https://dl.acm.org/doi/10.1145/3563657.3595983 "Designing a Sustainable Material for 3D Printing with Spent Coffee ..."
[23]: https://www.mdpi.com/2624-6511/7/6/135 "How 3D Printing Technology Makes Cities Smarter - MDPI"
[24]: https://www.frontiersin.org/journals/sustainability/articles/10.3389/frsus.2023.1196228/full "Putting 3D printing to good use—Additive Manufacturing and the ..."
[25]: https://www.tandfonline.com/doi/full/10.1080/09537287.2025.2482234 "The challenges and opportunities of 3D printing implementation and ..."
[26]: https://en.wikipedia.org/wiki/Kyoto_design_declaration "Kyoto design declaration"